Saint Jean enfant

Giovanni Cambiaso, peintre de profession, fut le premier à comprendre le talent et le génie artistique de son fils précoce, Luca : la production juvénile du garçon compte en effet de nombreuses fresques génoises réalisées à quatre mains avec son père, son premier maître, puis son collaborateur. La confrontation avec deux figures contemporaines importantes fut utile à la croissance artistique de Luca : « l'ami virtuose » Gaetano Alessi « célèbre architecte pérugin, qui, en voyant (les œuvres de Luca), les apprécia tant, et tomba tellement amoureux de ce coup de pinceau franc, qu'il voulut connaître l'Auteur » [Soprani/Ratti p. 80] et le « célèbre Compétiteur » Gio. Battista Castello da Bergamo (dit le Bergamasco) « jeune homme au talent élevé, bon Peintre et versé dans la Sculpture et l'Architecture » [Soprani/Ratti p. 81]. Avec le Bergamasco, ils ont dépassé une collaboration professionnelle : « les deux Professeurs s'étant reconnus tellement uniformes dans leur manière de concevoir et de colorer, ont noué une amitié étroite, qu'ils ont conservée toute leur vie » [Soprani/Ratti p. 82]. La liste rapportée par Soprani des fresques et peintures présentes dans les principales églises et palais nobles génois est longue ; les œuvres de Cambiaso étaient si nombreuses, en raison d'une production élevée et infatigable, que « ... ; par conséquent, si je voulais toutes les compter, je ne pourrais certainement pas y parvenir. Il était dans un travail continu et très rapide. » [Soprani/Ratti p. 86]. En 1583, Cambiaso, avec son fils Orazio et son disciple Lazzaro Tavarone, partit pour l'Espagne appelé, comme tant de ses illustres collègues (Titien, Vélasquez, Luca Giordano et également son ami Gio. Battista Castello), par Philippe II pour peindre à fresque le monastère de l'Escorial à Madrid, où il mourut en 1585. Le sujet de cette magnifique toile représente saint Jean enfant, l'une des figures les plus aimées et représentées dans l'art. Une image chargée de symboles du christianisme. Assis dans un bois, appuyé contre un arbre, le jeune enfant avec son pied gauche nous indique l'Agnus Dei, l'agneau symbole du sacrifice de Jésus-Christ, avec le droit la croix, symbole de la passion, de la mort et de la résurrection de Notre Seigneur. Avec ses mains, il nous indique le chemin. De sa main droite, il tient un bol pour contenir l'eau du baptême, la purification qui nous permettra de renaître et d'arriver là, dans cette direction indiquée par sa main gauche, cette échappée au fond du bois où une nouvelle vie nous attend dans un lieu magnifique. Notre toile représente un exemple du changement artistique de Cambiaso qui passe de représentations profanes, parfois érotiques et un peu ambiguës, pour se tourner vers des thèmes plus spirituels ; en effet, notre saint Jean enfant peut être comparé à une version « profane » conservée à la Galerie Borghèse à Rome qui représente, sous les traits de « L'Amour au repos », la figure du jeune enfant nu, dans la même position, à l'intérieur du même bois et appuyée contre un tronc, qui déploie une paire d'ailes et tient un carquois. L'œuvre, d'une extraordinaire qualité d'exécution, est l'exemple évident de ce talent naturel dont était doté Luca Cambiaso et qui l'a rendu si célèbre à l'époque et dans les siècles à venir. Dimensions : toile 107x80,5 cm - cadre 127 x 101 cm